Il
y a cinq ans et demi naissaient nos deux petits derniers, des jumeaux,
après une grossesse difficile. A l'époque, j'étais chef d'entreprise, la
petite avait à peine un an, les grandes allaient sur le chemin de
l'autonomie et nous étions encore jeunes, Chéri et moi. Nous n'avions
pas prévu que les garçons allaient non seulement changer nos vies mais
les révolutionner à leur manière.
Au
fil des premiers mois, je sentais bien que quelque chose n'allait pas.
Ils ne se développaient pas, ils grandissaient, mais rien. Les conseils
lénifiants des uns et des autres se succédaient (famille, médecins,
aides...) chacun y allait de sa ritournelle : "c'est normal, ce sont des
prémas", "c'est normal, ce sont des jumeaux", "c'est normal, ce sont des
garçons" (oui, oui !). Bref aux alentours de leur première année, ils ont été pris en
charge dans un CAMSP, ils avaient un retard psychomoteur important. Ça
allait bien finir par venir, il ne fallait pas "mettre une étiquette qui
allait conditionner leur avenir". Une neuropédiatre par ci, une
psychomotricienne par là, six mois plus tard tout était merveilleux, ils
étaient guéris.
Vers
leurs deux ans, ils ont eu une importante régression. Is étaient peu
bavards, pas gourmands, pas sociables ni très souriants mais en quelques
semaines, le peu existant a disparu. Retour en CAMSP : "vos enfants
sont trop lourds pour être pris en charge". Direction donc un service
pédopsychiatrique pour enfants en hôpital (nous n'y connaissions rien encore
à l'époque), verdict : "vos enfants ne parleront jamais, ils n'iront
jamais à l'école, ils feront leur vie dans des institutions, il faut
faire votre deuil". Deux ans à peine
et déjà condamnés.
La
chance nous a permis de rencontrer des parents qui étaient passés par
là, les premiers à nous parler d'autisme, ils nous ont orienté, cela ne
pouvait pas être pire, nous n'avions rien essayé, c'est à peine si nous
osions les toucher ! De médecins en centres spécialisées, avant trois ans un
diagnostic précoce et officiel a été posé. Nos garçons étaient autistes
typiques et atypiques et très probablement infirmes moteurs cérébraux.
J'ai cessé mon activité pour les stimuler et mettre en
place à la maison les thérapies cognitivo-comportementales (ABA, TEACCH,
PECS) recommandées par la Haute Autorité de Santé mais très peu
développées en France. Je me suis formée, j'ai beaucoup lu, beaucoup
discuté avec d'autres parents, des pros, beaucoup appris et en premier à
faire appliquer la loi, faire respecter le droit et les aides dont
devaient bénéficier mes garçons. Ils ont donc pu amorcer vers leurs trois ans un
début de scolarisation en milieu ordinaire avec une aide humaine. Je
vous passe les combats et les épreuves que nous avons dû endurer pour
que cela puisse se faire...
Aujourd'hui,
les garçons ont cinq ans et demi, leur handicap est reconnu par une
invalidité supérieure à 80%, ils sont devenus verbaux, vont à l'école à
temps plein (moins une journée complète par semaine où ils vont au
SESSAD, une salle de classe dans une autre école avec une éducatrice
spécialisée qui les fait travailler eux deux toute la journée sur les
points délicats : l'autonomie, la socialisation, les retards moteurs,
etc. Sans compter, les soins en libéral type pédopsychiatre,
orthophoniste, kiné...), ont des amis, sont parfaitement intégrés en
tant qu'élèves (et non en tant qu'élèves handicapés, j'y tiens) dans leur
école. Mercredi aura lieu la réunion d'ESS (Equipe de Suivi de la
Scolarisation) afin de mettre en place les aides nécessaires à leur
passage en CP.
Et
oui, nos petits garçons dont on nous sommait de faire le deuil (dans
une autre vie !) vont entrer en CP ! Ils ont un handicap important mais
grâce à des aides et stimulations adaptées à leurs besoins, d'un regard
bienveillant de leur entourage mais aussi des enseignants, ils ont
beaucoup progressé. Ce sont des petits garçons gentils, curieux de tout,
qui ne rechignent jamais à la tâche (si vous saviez comme cela peut me
peser d'avoir à toujours leur demander plus qu'à n'importe quel enfant),
souriants, ils adorent aller à l'école, leurs amis, courir (et oui !
Qui l'aurait cru !).
Quelque
soit la nature du handicap, nos enfants peuvent toujours progresser, à
leur mesure certes et selon leurs capacités mais c'est important d'y
croire, de croire en eux. Il y aura toujours des régressions, des
moments de doute, des crises, ils seront toujours dans le spectre autistique mais un jour,
un jour peut-être, ils seront autonomes et auront leur vie bien à eux
qu'on leur souhaite la plus réussie possible.
Je suis trop fière de vous, les gars !