Reprendre ses études (sur le tard)


Si on m'avait dit, il y a à peine un an que j'allais reprendre mes études, j'aurais bien rigolé. La vie est étonnante parfois. Ayant eu mes premières filles très jeune, je me suis consacrée à elles, j'ai cessé mes études sans obtenir de diplôme. Par la suite, l'occasion ne s'est pas présentée de les reprendre et j'ai créé et géré mon entreprise jusqu'à la naissance de mes garçons. Les années suivantes ont été consacrées à les aider et les stimuler tout en veillant sur mes filles. Pas le temps de penser à autre chose ou si peu.

L'été dernier, j'ai commencé à envisager de reprendre une activité mais les garçons ne sont pas encore suffisamment autonomes et leurs besoins restent nombreux, j'ai donc tenté de me projeter dans l'avenir et pourquoi pas essayer de reprendre mes études, après 18 ans d'arrêt et sans le BAC. Je me suis donc intéressée à ses équivalents afin d'accéder éventuellement à des études universitaires. On m'a alors parlé de la Capacité en droit, un diplôme de niveau IV et qui se passe en deux ans, en cours du soir le plus souvent.

Novice en droit, je me suis laissée prendre au jeu. J'ai fait bien-sûr des erreurs : en particulier en m'inscrivant au CNED et en candidate libre à l'université, qui se trouve à presque trois heures de route de chez moi (impossible bien évidement de m'y rendre tous les soirs, j'essaie d'y aller une à deux fois par mois ce qui représente un important coût financier et en temps), afin d'y passer mes examens. Seconde erreur, le droit c'est passionnant mais c'est difficile. C'est une logique, un mode de réflexion différent qu'il m'a fallut acquérir. Je pensais naïvement que chaque université enseignait la même chose. Oui et non. Oui, il y a un programme qui est identique entre toutes les CAPA et non, l'organisation du cours revient au professeur et l'enseignement semble différent d'un enseignant à l'autre. Les cours du CNED ne correspondaient que dans les grandes lignes à l'enseignement dispensé à l'université, il m'a fallut faire un choix : continuer uniquement avec le CNED ou me débrouiller pour me calquer sur les attentes de l'université.

Les deux premiers mois ont été vraiment difficiles. J'ai du me remettre en question, faire le point sur mes capacités. J'ai abandonné les cours du CNED (malgré l'investissement important) et je me suis concentrée sur les cours de l'université. J'ai été déçue de voir que l'accès numérique était difficile et sous-employé. J'ai été surprise de voir que de nombreux étudiants abandonnaient très vite. Surprise également de voir à quel point il fallait s'accrocher. Malgré tout, j'ai senti progressivement venir ma compréhension du mode de réflexion juridique, en allant en cours (rarement certes mais régulièrement) j'ai pu sympathiser avec des étudiants de ma classe qui ont eu la gentillesse de m'envoyer leurs notes ce qui m'a beaucoup aidé, la présence en cours aussi a beaucoup contribué à comprendre les attentes des enseignants. Les examens se sont bien passés (même si j'ai vécu cette semaine en grand stress !) et j'ai validé mon premier semestre.

J'entame désormais mon second semestre. Les matières ont changé, les professeurs sont plus exigeants mais j'ai trouvé ma méthode de travail, j'ai réussi à m'organiser, à ne plus me laisser déborder par la maison, cloisonner le temps pour chacun : pour les petits, pour mes cours, pour la maison, pour mon mari aussi. Je me sens plus équilibrée et je trouve la vie plus riche (compliquée, très compliquée même, mais vraiment enrichissante !). Je ne pense pas encore à une éventuelle suite à ce diplôme si je parviens à l'obtenir. Chaque chose en son temps. Une marche à la fois. Si l'expérience doit s'arrêter, j'en serais déjà très satisfaite. Si elle peut se poursuivre, j'en serais très fière.

Et vous, qui peut-être passez déjà par ce petit blog débutant, avez-vous envisagé ce tournant dans votre vie ?

Le handicap au cœur de nos vies


Il y a cinq ans et demi naissaient nos deux petits derniers, des jumeaux, après une grossesse difficile. A l'époque, j'étais chef d'entreprise, la petite avait à peine un an, les grandes allaient sur le chemin de l'autonomie et nous étions encore jeunes, Chéri et moi. Nous n'avions pas prévu que les garçons allaient non seulement changer nos vies mais les révolutionner à leur manière.

Au fil des premiers mois, je sentais bien que quelque chose n'allait pas. Ils ne se développaient pas, ils grandissaient, mais rien. Les conseils lénifiants des uns et des autres se succédaient (famille, médecins, aides...) chacun y allait de sa ritournelle : "c'est normal, ce sont des prémas", "c'est normal, ce sont des jumeaux", "c'est normal, ce sont des garçons" (oui, oui !). Bref aux alentours de leur première année, ils ont été pris en charge dans un CAMSP, ils avaient un retard psychomoteur important. Ça allait bien finir par venir, il ne fallait pas "mettre une étiquette qui allait conditionner leur avenir". Une neuropédiatre par ci, une psychomotricienne par là, six mois plus tard tout était merveilleux, ils étaient guéris.

Vers leurs deux ans, ils ont eu une importante régression. Is étaient peu bavards, pas gourmands, pas sociables ni très souriants mais en quelques semaines, le peu existant a disparu. Retour en CAMSP : "vos enfants sont trop lourds pour être pris en charge". Direction donc un service pédopsychiatrique pour enfants en hôpital (nous n'y connaissions rien encore à l'époque), verdict : "vos enfants ne parleront jamais, ils n'iront jamais à l'école, ils feront leur vie dans des institutions, il faut faire votre deuil". Deux ans à peine et déjà condamnés.

La chance nous a permis de rencontrer des parents qui étaient passés par là, les premiers à nous parler d'autisme, ils nous ont orienté, cela ne pouvait pas être pire, nous n'avions rien essayé, c'est à peine si nous osions les toucher ! De médecins en centres spécialisées, avant trois ans un diagnostic précoce et officiel a été posé. Nos garçons étaient autistes typiques et atypiques et très probablement infirmes moteurs cérébraux. J'ai cessé mon activité pour les stimuler et mettre en place à la maison les thérapies cognitivo-comportementales (ABA, TEACCH, PECS) recommandées par la Haute Autorité de Santé mais très peu développées en France. Je me suis formée, j'ai beaucoup lu, beaucoup discuté avec d'autres parents, des pros, beaucoup appris et en premier à faire appliquer la loi,  faire respecter le droit et les aides dont devaient bénéficier mes garçons. Ils ont donc pu amorcer vers leurs trois ans un début de scolarisation en milieu ordinaire avec une aide humaine. Je vous passe les combats et les épreuves que nous avons dû endurer pour que cela puisse se faire...

Aujourd'hui, les garçons ont cinq ans et demi, leur handicap est reconnu par une invalidité supérieure à 80%, ils sont devenus verbaux, vont à l'école à temps plein (moins une journée complète par semaine où ils vont au SESSAD, une salle de classe dans une autre école avec une éducatrice spécialisée qui les fait travailler eux deux toute la journée sur les points délicats : l'autonomie, la socialisation, les retards moteurs, etc. Sans compter, les soins en libéral type pédopsychiatre, orthophoniste, kiné...), ont des amis, sont parfaitement intégrés en tant qu'élèves (et non en tant qu'élèves handicapés, j'y tiens) dans leur école. Mercredi aura lieu la réunion d'ESS (Equipe de Suivi de la Scolarisation) afin de mettre en place les aides nécessaires à leur passage en CP.

Et oui, nos petits garçons dont on nous sommait de faire le deuil (dans une autre vie !) vont entrer en CP ! Ils ont un handicap important mais grâce à des aides et stimulations adaptées à leurs besoins, d'un regard bienveillant de leur entourage mais aussi des enseignants, ils ont beaucoup progressé. Ce sont des petits garçons gentils, curieux de tout, qui ne rechignent jamais à la tâche (si vous saviez comme cela peut me peser d'avoir à toujours leur demander plus qu'à n'importe quel enfant), souriants, ils adorent aller à l'école, leurs amis, courir (et oui ! Qui l'aurait cru !).
Quelque soit la nature du handicap, nos enfants peuvent toujours progresser, à leur mesure certes et selon leurs capacités mais c'est important d'y croire, de croire en eux. Il y aura toujours des régressions, des moments de doute, des crises, ils seront toujours dans le spectre autistique mais un jour, un jour peut-être, ils seront autonomes et auront leur vie bien à eux qu'on leur souhaite la plus réussie possible.

Je suis trop fière de vous, les gars !